Voici une expérience vécue sur le Stella Australis lors d’une navigation exceptionnelle depuis Ushuaia par la Cap Horn, l’allée des glaciers sur le Canal Beagle et retour à Ushuaia…merci à Julie et Antoine pour leur témoignage.
Bonjour Jean Baptiste,
Comme convenu, je vous envoie une modeste chronique sur cette expérience fabuleuse que vous nous aviez conseillé de vivre. J’ai résumé autant que peu pour ne pas être trop long…ça n’a pas été facile mais voici:
Décidés à réaliser ce vieux rêve d’enfance qui était un jour de pouvoir rejoindre le Cap Horn, l’opportunité est apparu avec la proposition d’une navigation d’exploration au départ d’Ushuaïa en septembre 2011.
Billets d’avion en poche, nous sommes arrivés la veille du départ à Ushuaïa sous la neige. Idéal pour remettre une belle couche de blanc maculé avant que le soleil revienne.
La journée à Ushuaïa nous a permis de faire connaissance avec cette ville du bout du monde tant espérée. A savoir que même à ces latitudes, la sieste est de principe et les boutiques n’ouvrèrent qu’aux alentours de 17h. L’occasion de faire le tour de quelques musées qui sont une bonne source d’inspiration et d’entrée en matière avant le grand départ. A la rencontre du monde des Yamanas, ce peuple canotier et nomade aujourd’hui disparu, le musée du fin du monde pour observer les différents objets et vestiges des temps passés ainsi que le musée maritime et l’ancien bagne d’Ushuaïa. Le tour classique de ces lieux n’est pas à exclure même si parfois l’on reste sur sa faim et si il y a des répétitions dans les différentes expositions.
Mais l’heure est à l’embarquement sur le Stella Australis où nous retrouvons nos bagages installées dans notre cabine. Premier contact avec le navire, confortable sans être luxueux, l’accent est mis sur la vue extérieure depuis la cabine qui possède une grande fenêtre qui donne sur l’extérieur et des salons disposés vers la proue pour contempler les paysages qui s’offrent à nous. Cocktail de bienvenue et présentation de l’équipage faite, le diner de bienvenue permet de prendre le ton de ce que seront nos trois prochains jours à bord. Du régal dans l’assiette et l’expectative d’en prendre plein les yeux…
Le soir, le navire quitte le port d’Ushuaïa pour s’engager dans le Canal Beagle et bifurquer dans le Canal Murray. Au petit matin, il faut passer la Baie Nassau et nous nous retrouvons avec quelques lève tôt pour voir apparaitre les îles qui commencent à se dessiner autour de nous et voir poindre les contours de l’île de Horn. L’escorte des Pétrel nous survole et nous accompagne un temps.
Le temps se calme et le premier débarquement nous emmène gravir les 160 marches qui nous conduiront au sésame. Voir le Horn et son sommet en forme de pyramide. Juste au moment ou le ciel s’ouvre pour capter quelques belles images. On a presque un peu honte d’y arriver sans effort. Ce serait comme arriver au sommet du Mont Blanc en télésiège alors que de nombreux marins ont risqués leurs vies pour le passer. Depuis le promontoire qui reçoit le monument hommage aux Cap Hornier et aux navires disparus dans ces parages redoutables, nous voyons arriver un grain et le vent se lever. Un mur d’eau au large nous salut et nous rappelle qu’il est bien là. La visite continue au phare où un marin de la marine chilienne est affecté pour une année complète, en famille…auquel est adossée une petite chapelle bien émouvante.
Après avoir pu prendre le temps d’apprécier les vues depuis l’île, il est temps de rembarquer et les éléments se faisant plus pressant, le capitaine du Stella Australis prendra la décision de ne pas faire le tour. Sage décision pour préserver une marge de sécurité dans un endroit du globe qui peut passer du calme à la tempête en quelques minutes seulement.
L’après-midi de ce premier jour, nous revenons vers le canal Murray qui laisse entrevoir toute la beauté sauvage des îles et îlots alentours pour approcher la baie Wulaia, notre prochain débarquement. Nous passons au large de la Baie Orange, le site choisit par l’expédition scientifique de La Romanche en 1882 commandé par Louis-Ferdinand Martial. Une expédition qui laissera un témoignage vivant et une collection de photographie unique sur les peuples nomades de la région.
Havre de paix, la baie de Wulaia sur la rive ouest de l’île de Navarino est le site privilégié qui vit le navire Beagle et son capitaine Fitz Roy prendre contact en 1830 avec des familles indiennes Yamanas (ou Yahgan). Épisode fameux lorsqu’il emmena en Angleterre l’indien baptisé Jimmy Button dans l’espoir qu’une fois ramené chez lui il pourra « civiliser » ses congénères. Un dessein qui fut tout autre et Allan Gardiner en fera les frais également.
Dans l’ancienne station radio chilienne, un petit musée raconte bien tout ces épisodes épiques et tragiques à la fois (en trois langues: anglais, espagnol et français). Le débarquement se fait à proximité de quelques pêcheurs chiliens qui viennent relever leurs casiers remplis de centolla (l’araignée de mer locale) et se poursuit par une ascension de la colline pour accéder à un panorama saisissant sur l’île Hoste et la Péninsule Pasteur au coucher de soleil.
La nuit froide et le ciel dégagé nous laisse observer les constellations et la fameuse croix du Sud dans toute sa splendeur par une nuit sans lune.
A petite vitesse, le ronronnement du moteur nous berce pour assister au lever du soleil qui incendie peu à peu les sommets de la cordillère Darwin comme assise au bord de l’eau du canal Beagle. La perspective qu’il nous est permis d’admirer est splendide. Depuis le pont supérieur la vue à 360° offre un spectacle époustouflant de beauté. L’impression d’assister à une scène que l’on ne voit qu’en haute montagne alors que nous nous trouvons au niveau de la mer. La journée de navigation dans les canaux pour se rendre aux glaciers Garibaldi et Pia puis descendre l’allée des glaciers est prometteuse. Elle le sera avec un débarquement pour atteindre une cascade surplombant le fjord. Pour notre départ nous serons accompagnés quelques minutes par un couple de dauphin austral qui nous saluera par ses quelques acrobaties.
Le seno Pia et son glacier adossé aux montagnes et qui plonge dans la baie sera un moment fort avec le spectacle effondrement de pans de glaces dans un bruit de tonnerre. Au loin, les barres de serac menaçant appellent à la prudence, le mont Darwin est ses 2490m d’altitude (« seulement ») parait inatteignable.
Un dernier rayon de soleil vient illuminer cette scène alors que déjà le vent violent venant des sommets forme des nuages de neige poudreuse et nous indique le moment de partir.
Les blocs de glaces dans la baie se rejoignent avec la formation rapide d’une pellicule de glace.
Il est temps de remonter à bord pour savourer un bon pisco et rendre visite à la passerelle ou le second est aux commandes accompagné du timonier qui a les yeux rivés sur les consoles qui lui indique le cap, recalculé en permanence en fonction des éléments extérieurs. Peu avare d’explications, le second nous explique son rôle quand une rafale mesurée à 120km/h fait gîter le navire. A chaque passage devant un glacier, celui-ci offre un entonnoir dans lequel le vent s’engouffre et accélère. Sans risque cependant sur un tel navire, la navigation reste délicate et exige une attention de tous les instants. Rompus à leur tâche et mis en sécurité, il nous est permis de déguster un fameux cocktail alors que nous continuons notre route sur le canal et les langues glaciaires qui se succèdent à bâbord tirent leur révérence.
Alors que la nuit tombe peu à peu, la montagne s’apaise et disparait à nos yeux à hauteur de la baie Yendegaia. Nous passerons la nuit en relâche au large d’Ushuaïa et ses lumières que reflète la neige des montagnes qui sont dans son dos. Demain matin, ce sera le retour à la terre ferme de la grande île de Terre de Feu.
Le diner de fin de navigation nous régale de ses saveurs australes, autre récompense de la belle journée que nous venons de passer. Ces trois jours de navigations dans les canaux de Patagonie et de l’archipel des îles du Cap Horn ont comblés plus encore notre appétit et notre soif de découverte de cette région somme toute hostile qui nous à laisser entrevoir ses dangers et ses beautés. Une terre d’extrême qui abrite tous les qualificatifs de la démesure entre les latitudes 54 et 56° Sud.
Rendez-vous est prit pour revenir au Cap Horn mais cette fois-ci à la voile!
A bientôt et un abrazo grande!
Julie et Antoine Marvielle
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