“El Ultimo Malón”, réalisé par Alcides Greca (1889-1956) en 1917 est un long métrage de 85mn (en 16 images/secondes) qui a été projeté pour la première fois le 4 août 1918 au cinéma-théâtre Palace de la ville de Rosario dans la Province de Santa Fé.
Ce lieu n’est pas un hasard puisque ce film raconte la révolte des indiens Mocovies en 1904 dans la ville de San Javier dont Greca était originaire (de même que le boxeur Carlos Monzón).
Le 31 juillet de la même année il est projeté à Buenos Aires dans le célèbre ciné-théâtre de l’époque le Smart-Palace de l’avenue Corrientes. Tombé dans l’oubli, le film a été retrouvé et sauvé en 1956 par Fernando Birri et la Escuela Documental de Santa Fé grâce à la famille de Alcides Greca. Le film fait désormais partie des trésors du cinéma argentin.
“El Ultimo Malón” raconte la rébellion des indiens Mocovies et leur attaque de la ville voisine. Ces indiens vivaient en communauté à l’écart de la ville de San Javier et restaient indifférents aux progrès que les nouveaux venus apportaient. Ils vivaient de la pêche et de la chasse, de la cueillette aussi. Indifférents jusqu’au moment où, lassés de se voir promettre des choses qui n’aboutissaient jamais par des politiques avides de leur vote, ils organisèrent une mutinerie. Mais les habitants du village les en empêchèrent à force de combat acharné qui se solda par 48 morts et 90 blessés. Les derniers survivants furent par la suite durement réprimés.
Fondé en 1743, la région était habitée par les indiens Chaná-Timbúes. Ils se sont progressivement déplacés vers le Sud et ce sont des Mocovies dont la région d’origine est le Chaco (actuelle province de Formosa, de l’ethnie Guaycurues qui regroupe les indiens Tobas, Mocovies et les Abipones), qui ont pris leur place.
L’installation de la Reducción Jésuite de Saint François-Xavier au milieu du XVIIIe a permis de pacifier la zone et protéger Santa Fe des attaques des indiens Mocovies et Abipones.
Après l’expulsion des Jésuites (1767), ce sont les franciscains qui prirent la suite en 1812, puis en 1866 le Ley de Tierras promulgue la fondation du village et de la colonie indigène de San Javier. Le but étant que ces habitants indigènes prennent possession des terres pour leur propre compte. Dans de nombreux cas cette “loi des terres” ne s’est jamais concrétisé et ce fut le cas pour San Javier. En attendant, le village s’est développé pour devenir une grosse bourgade de 3000 habitants en 1900. Le mécontentement des indiens s’est fait également plus intense, doublé d’une croyance que San Javier serait sauvé d’un prochain déluge qui ferait disparaitre criollos et gringos. De fait, quelques tribus environnantes vinrent grossir les rangs des indiens jusqu’à atteindre le point de non retour et le déclenchement de “El Ultimo Malón” des indiens Mocovies de la Province de Santa Fe.
“El Ultimo Malón” est un film documentaire-fiction qui se divise en 2 parties:
- La première partie et un documentaire anthropologique dans lequel on fait connaissance avec des protagonistes de cette révolte. Comme Mariano Lopez, le cacique des indiens Mocovies et Salvador Lopez leader de la rébellion. Il y a également des images des us et coutumes de ces populations qui étaient confinés dans leur réserve. Simples employés servants ou chasseurs-pêcheurs. Il est remarquable de visionner la chasse à l’avestruz (genre d’autruche) et celle des Yacaré (espèce endémique du caïman) dans les marais digne de National Geographic. Également, un certain nombre travaille dans les estancias alentours comme peón (ouvrier agricole). Une séquence montre le travail du bétail et un jeu des jeux favoris qui consiste à faire une jineteada (le rodéo argentin) sur le dos d’un veau. Le film a valeur de document sociologique pour mieux faire comprendre leur situation, leur us et coutumes originelle et leur mimétisme avec le monde criollo et gaucho. Et aussi leur perdition du à l’alcoolisme. Il met en contraste leur vie misérable en la comparant avec la vie des gens civilisés de la ville de San Javier.
- La deuxième partie du film est la reconstitution des événements, il est mis en scène comme un film d’aventure et d’intrigue avec une bonne narration, un bon rythme et ce en dépit de l’amateurisme de son directeur, Il emploie les paysages de la région et fait appel aux indiens natifs de la province de San Juan pour interpréter différents personnages. Greca lui-même et des membres de sa famille et des interprètes acteurs professionnels interprètent les rôles les plus centraux que sont ceux du cacique rebelle et de sa femme.
Le film ne se veut pas moraliste ni regarde l’indien avec compassion. D’un côté il met en relief l’abus de l’expropriation des terres par les grands propriétaires terriens avec la complicité du potentat local; et de l’autre il est aussi un reproche aux indiens qui, en prise avec les divisons internes et ne sachant pas s’organiser, vouent cette tentative de rébellion à l’échec total et finit par desservir leur cause. L’auteur prend ainsi ses distances avec le mythe du “bon sauvage” tout en reconnaissant les droits qui devraient lui correspondre.