2010 en Argentine est l’année du bicentenaire du début du processus d’indépendance. La date est symbolique et comme il est prévu par la Constitution, tous les 10 ans un recensement national a lieu. La date du 10e recensement est fixée au 27 octobre où un jour férié est décrété. Les activités sportives et sociales sont interdites et comme pour les jours d’élections la consommation d’alcool le sera également.
La population argentine passera la barre des 40 millions d’habitants, vraisemblablement plus de 41.
Recensements et croissance de la population argentine:
- 1869: 1 830 000 habitants (les personnes d’origine indienne n’étaient pas inclus, estimés à 93 600)
- 1895: 4 045 000 habitants (le premier après l’unification du pays)
- 1914: 7 885 000 habitants
- 1947: 15 894 000 habitants
- 1960: 20 140 000 habitants
- 1970: 23 364 000 habitants
- 1980: 27 949 000 habitants
- 1991: 32 615 000 habitants (retardé en raison de la crise financière de 90)
- 2001: 36 260 000 habitants (dont 600 000 d’origine indienne comptabilisé).
Retour sur la naissance de la République Argentine
En 1845, Domingo Faustino Sarmiento entreprend un voyage en Italie pour étudier le système éducatif et il écrit: “J’ai besoin de m’éduquer en Italie pour parler de beaux-arts et de théâtre”. Dans son livre “Facundo ou Civilisation et Barbarie” il posait la problématique du manque de population dans la naissante république Argentine. Entre deux villes comme Buenos Aires et Mendoza s’étendait un immense désert. Il estimait nécessaire de peupler les riches et vertes plaines de la Pampa, réussir l'”européinisation” et “désespagnoliser” le continent tout entier.
Pour Jean-Baptiste Alberdi également, l’immigration serait synonyme de progrès et de culture. dans son œuvre “bases et point de départ de l’organisation politique de la république Argentine” (1852), il soutenait qu’en Amérique “gouverner c’est peupler“.
Ce discours a été repris par le pouvoir politique comme un objectif à atteindre. Il remplissait deux fonctions: peupler un territoire “vide” dont les frontières allaient s’étendre pour former et consolider la Nation et “civiliser”. Cela, en niant totalement l’existence des tribus indiennes et en exprimant la volonté d’éradiquer le criollo et le gaucho considérés comme des barbares. Le processus sous-entendait donc l’effacement de toute souche “espagnolisante” ou hérité de la présence espagnole-américaine pour la substituer par des populations synonymes et sources de progrès.
En 1869 sous sa présidence, le premier recensement a lieu. La population de l’Argentine compte 1 830 000 habitants.
Jusqu’en 1914, il arrive environ 4 200 000 personnes dont 2 millions d’italiens, 1 400 000 espagnols et 170 000 français qui étaient les populations les plus significatives. Les étrangers représentent 34% de la population. L’Argentine compte (jusqu’à aujourd’hui) un pourcentage qui varie de 2 à 3% d’immigration frontalière (Bolivie, Paraguay, Uruguay, Chili).
Après avoir considéré l’indien comme un élément négligeable tout juste bon à être montrer en spectacle dans les foires en Europe (France, Allemagne, Belgique, Angleterre), le criollo issu de la colonisation espagnole et le gaucho tous deux non-civilisés, le phénomène se retourne contre les nouveaux venus. Les “gringos” ingrats importaient d’Europe les troubles anarchistes et révolutionnaires et représentaient une menace pour la terre généreuse d’Argentine.
La “génération de 80 ” que forment la classe dirigeante du pays ouvre les vannes d’un flot migratoire qui sur une période de 30 ans changera le visage de l’Argentine.
La première loi officielle qui favorise l’import massif d’étrangers dans le but de la substituer aux habitants précédents est la Loi d’Immigration et de Colonisation de 1876. Avec les premiers problèmes qui apparaissent elle est suivit de la Loi de Résidence en 1903 (qui permet l’expulsion des étrangers dont la conduite est considérée comme une atteinte à la sécurité nationale et à l’ordre public) puis de la Loi de Défense Sociale en 1910 (qui permet l’arrestation de toute personne suspecte d’être anarchiste).
Déjà en 1887, un Sarmiento vieillit et ayant perdu ses illusions déplorait l’immigration non désirée “les plus arriérés d’Europe, les campagnards et les gens aux mœurs légères on été les premiers à immigrer”. Il coïncide avec les écrits d’Alberdi qui déjà en 1871 écrivait “j’ai entendu ici que gouverner c’est peupler. Cet axiome peut être vrai dans le sens ou peupler c’est grandir, fortifier, enrichir un pays naissant: peupler c’est éduquer et civiliser un pays neuf, quand on le peuple avec des immigrants travailleurs, honnêtes, intelligents et civilisés; c’est à dire, éduqués. Mais peupler c’est sentir mauvais, corrompre, abruti, appauvrir le sol riche et salutaire, quand on le peuple avec les migrants de l’Europe arriérée et corrompue”.
Nota 1: La désillusion sera vite camouflée pour présenter l’Argentine comme le premier pays d’Amérique du Sud en terme d’optimisme et de progrès, d’assurances sur l’avenir. A l’Exposition Universelle de Paris en 1889, renouvelé au moment des fêtes somptueuses de son centenaire en 1910. Elle connaitra par la suite un certains nombre de vagues d’immigration ayant pour principales causes les troubles politiques et les guerres qui secoueront l’Europe. Un passé et un avenir qui lui sera intimement lié.
Nota 2: Les populations indiennes réclament depuis des décennies que leur soient rendus des terres qui leur appartenaient avant 1810. A l’occasion des fêtes du bicentenaire un cortège est venu à pied de Salta jusqu’à Buenos Aires pour réclamer une fois de plus que leur voix soit entendue et que leurs propriétés redeviennent celle qu’elles étaient avant l’indépendance.
Deux expressions populaires en Argentine:
“Le mexicain descend des aztèques, le péruvien des incas et l’argentin du bateau”
“L’argentin est un italien qui parle espagnol, pense comme un français et s’habille comme un anglais”.
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