Jacques de Liniers #1/5


Jacques de Liniers (1753-1810) souleva par ces actes l’enthousiasme général jusqu’à être nommé vice-roi du vice-royaume de la Plata, pour sa conduite exemplaire et avoir délivré Buenos Aires des invasions anglaises.
2010 est aussi l’anniversaire du bicentenaire de sa mort. L’occasion de revenir sur sa vie et son œuvre au service des couronnes de France et d’Espagne des deux côtés de l’Atlantique.

Jacques de Liniers, origines de la famille et début de sa carrière militaire

Jacques de liniers naquit à Niort le 25 juillet 1753. Il était le quatrième des neuf enfants issus du mariage de Jacques-Joseph-Louis de Liniers et d’Henriette-Thérése de Brémond d’Ars. Les Liniers comptaient parmi les plus anciennes familles de la noblesse poitevine. L’un d’eux avait était tué à la bataille de Poitiers en 1536, un autre avait eu la jambe emportée à la bataille de Laufeld en 1747. Tous, pendant le XVIIe et XVIIe siècle, avaient vaillamment servi la monarchie dans ses armées ou ses flottes.
Jacques de Liniers eut menti aux instincts guerriers de sa race s’il n’avait pas embrassé la carrière des armes. Cadet de famille et n’ayant pas grand-chose à attendre de l’héritage paternel, il résolut de demander à son épée la fortune qui lui manquait.

A douze ans il fut reçu page du grand-maître de l’ordre de Malte, Ximénès. Malte était alors l’école militaire de la noblesse européenne. Il y passa trois années et s’y familiarisa, dans l’enthousiasme du Grand-Maitre, avec la langue espagnole, qui devait lui être plus tard si utile.
Il rentra en France en 1768 avec l’autorisation de porter la croix et y obtint, la même année, un brevet de sous-lieutenant au régiment Royal-Piémont Cavalerie.

Jacques de Liniers au service de la couronne espagnole

La France, épuisée par la guerre de Sept ans, ne songeait alors qu’à vivre en paix avec ses voisins. Liniers fût donc condamné à une vie de garnison insupportable à son ardente nature. Il la menait depuis six ans, lorsqu’il apprit en 1774 que le gouvernement espagnol préparait une expédition contre Alger. Il n’hésita pas à donner sa démission et à passer en Espagne, où il s’engagea comme simple volontaire sur la flotte que commandait don Pedro Castejon. Cette flotte portait 22800 hommes sous les ordres d’Oreilly. L’expédition ne fut pas plus heureuse que ne l’avait était celle de Charles-Quint en 1535. Après quelques avantages, l’armée s’avança dans l’intérieur, fut battue et dut rembarquer à la hâte, après avoir perdu 3000 hommes.
Liniers trouva le moyen de se distinguer, soit sur son vaisseau, soit comme aide de camp du prince Camille de Rohan. Aussi, quoique étranger, obtint-il d’être admis en 1775 au collège des Garde-Marine. Il y passe ses examens et devint enseigne de frégate. Il prit part, en cette qualité, à une expédition contre les côtes du Brésil qui fut bientôt interrompue par la paix conclue en 1777 entre l’Espagne et le Portugal.

Une année plus tard, le soulèvement des colonies de l’Amérique du Nord contre l’Angleterre mit encore une fois la France et l’Espagne aux prises avec leur vieille ennemie. Le gouvernement français, désireux d’effacer les hontes du Traité de Paris fournit toute l’aide nécessaire aux colonies et l’Espagne s’allia à la France. Cette guerre fournit à Liniers de nouvelles occasions de se signaler. De 1779 à 1781, il prit part sur le Saint-Vincent à la campagne du large et à différentes croisières dans lesquelles il enleva à l’abordage plusieurs navires anglais. Au commencement de 1782, il fut embarqué sur le Saint-Pascal, qui faisait partie de la flotte chargée d’assiéger Port-Mahon que les Anglais occupaient depuis 1763. La ville était étroitement bloquée par terre et par mer. Néanmoins deux transports anglais, l’un de 10 et l’autre de 14 canons, trompèrent la surveillance des assiégeants et vinrent jeter l’ancre à une portée de fusil du fort de la Reine. En apprenant l’événement, le commandant de la flotte espagnole résolut de faire enlever ces deux navires par des chaloupes, quoiqu’ils fussent doublement protégés par leur propre artillerie et par les batteries du fort. L’entreprise était hasardeuse. Pour la conduite à bonne fin, il fallait un chef résolu. La réputation que Liniers s’était acquise lui valut d’être choisit.
On lui confia seize chaloupes avec lesquelles il devait pendant la nuit aborder les deux transports. Un épais brouillard, chose rare en ces parages, contraria l’entreprise et ne se dissipa qu’avec le jour. Liniers ne voulut pas remettre l’attaque. Malgré un feu épouvantable, il vogua hardiment vers les navires, les aborda, s’en empara et les ramena au milieu de la flotte espagnole, aux applaudissements de ses compagnons d’armes. Ce hardi coup de main, qui coûta la vie à beaucoup d’assaillants, et dans lequel lui-même fut assez grièvement blessé, lui valut le grade de lieutenant de vaisseau. Pendant le reste du siège, qui se termina le 5 février par une capitulation, Liniers sut, comme toujours, se rendre fort utile.

L’heureuse issue de ce siège devant Minorque décida l’Espagne et la France à faire un grand effort pour arracher à l’Angleterre le rocher de Gibraltar, sur lequel son drapeau flottait depuis 1704. Des forces imposantes furent réunies au camp de Saint-Roch. L’armée franco-espagnole, qui comptait dans ses rangs deux princes de sang, le comte d’Artois et le duc de Bourbon, était commandée par le duc de Crillon. La flotte combinée, forte de 64 vaisseaux de lignes, de quelques frégate et bâtiments légers, était aux ordres de l’amiral Cordoba. Pour venir à bout de la redoutable forteresse, on construisit des batteries flottantes chargées de pièces de gros calibres. On comptait que, placées à une petite distance des murailles, les démoliraient rapidement. Le 13 septembre 1782, dix de ces batteries armées de 150 canons vinrent, malgré un vent très violent, s’embosser devant la place assiégée. L’une d’elles était commandée par le prince de Nassau-Singen, ayant Liniers pour second.
L’artillerie de l’armée de terre et celle de la flotte ouvrirent en même temps un feu d’enfer. Les anglais rendirent coup pour coup et finirent par démasquer des batteries à boulets rouge qui mirent le feu à trois des batteries flottantes. L’incendie se communiqua aux autres. Après avoir combattu dix-sept heures, le Prince de Nassau et Liniers n’eurent que le temps de se jeter à l’eau pour échapper à la mort.
L’insuccès de cette attaque découragea les assiégeants. On se contenta de bloquer la place, dans l’espoir de la réduire par la famine. Pendant un orage, quelques vaisseaux anglais parvinrent à y introduire des vivres et des munitions. A leur sortie, ils furent rapidement poursuivis. Liniers, qui commandait un brick de 18 canons, en enleva un sous le feu d’un vaisseau de ligne. Cet exploit, joint aux services qu’il avait rendus pendant le siège, lui valut le grade de capitaine de frégate. Sept ans seulement s’était écoulé depuis son admission à l’Ecole Navale. Pareil avancement était sans précédent dans marine espagnole.

Quelques mois plus tard, l’Angleterre signait la paix à Versailles et reconnaissant l’indépendance de ses colonies.
L’Espagne avait fait de grands armements en vue de la continuation de la guerre. Elle voulut les utiliser et entreprit une nouvelle expédition contre Alger. Liniers y prit part sur la frégate qu’il commandait. Cette expédition eut aussi peu de succès que les précédentes.

Il fallut faire la paix. Notre jeune compatriote fut chargé de porter au dey les cadeaux du roi d’Espagne. Doué des qualités morales et physiques qui séduisent et attachent les hommes, il sut prendre un véritable ascendant sur le souverain d’Alger. Ce prince le combla de marques de sa faveur et, sur sa demande, lui accorda la liberté de tous les prisonniers français, espagnols et italiens qui se trouvaient en son pouvoir.
Au retour de cette expédition, Liniers épousa une jeune femme d’origine française, Mlle de Menviel, qui mourut en 1788 en lui laissant un fils. Dans cette même année, le gouvernement espagnol l’envoya à la Plata. Il s’y maria pour la seconde fois, en 1791, avec Mlle de Sarratea. Quelques mois plus tard, au commencement de 1792, il fut nommé capitaine de Vaisseau.

Pendant quatorze longue années le gouvernement espagnol oublia Liniers, pourtant…

A suivre…
Jacques de Liniers – deuxième partie (1792-1806)
Jacques de Liniers – troisième partie (1806)
Jacques de Liniers – quatrième partie (1807)
Jacques de Liniers – cinquième partie -1807-1810

Sources:
Jacques de Liniers par le Marquis de Sassenay, Paris 1892
Les Contemporains, N°852, Paris 1909

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