Le “nouveau cinéma argentin” n’a rien d’un cinéma d’auteur rébarbatif, et certains films peuvent prétendre à un succès commercial international, ce fut le cas pour Les Neuf Reines (2000) de Fabián Bielinsky ou pour Dans ses yeux de Juan José Campanella qui reçut l’Oscar 2010 du Meilleur film étranger, 24 ans après l’Histoire officielle de Luis Puenzo.
Le « nouveau cinéma argentin » est une appellation utilisée pour qualifier une génération qui s’attache à parler de son pays tout en adoptant un langage cinématographique universel, éloigné des considérations commerciales.
La première œuvre à avoir lancé cette mode est Rapado, de Martin Rejtman, en 1996.
L’une des réussites de ces années de renouveau est Garage Olimpo (Marco Bechis, 1998), qui traite de la dictature militaire en nous contant l’histoire d’une de ses disparues.
Mundo Grúa de Pablo Trapero sort en 1999, évoquant les problèmes du chômage sur un ton sarcastique. Puis Silvia Preto de Martin Rejtman (1999) confirme l’embellie cinématographique argentine.
Dans les années 2000, plusieurs réalisateurs ont décrit ces histoires d’une classe moyenne désabusée dans l’Argentine de l’après crise économique comme Martin Rejtman dans Los Guantes Mágicos (2003) ou Una de dos d’Alejo Taube (2004).
Tandis que d’autres , plus engagés, comme Fernando Pino Solanas, ont plus directement traité de la crise économique.
Mais on aurait tort d’essayer de réduire les œuvres de la « nouvelle vague » argentine à quelques critères précis tant il fourmille de visions personnelles. C’est le cas de Lucrecia Martel qui, avec La Femme sans tête (2008), a développé une subtilité saluée par la critique internationale.
Née en 1997 (XVème édition en février 2012), l’association Latinità organise chaque année le Festival du Cinéma Espagnol et Latino-américain. Cette année, le “nouveau cinéma argentin” est à l’honneur avec la présentation de plusieurs films.
Un cuento chino
Drame – Film espagnol et argentin (2012) – Durée 1h40
Réalisateur : Sebastián Borensztein
Acteurs : Ricardo Darin (Roberto), Ignacio Huang (Jun).
Synopsis :C’est l’histoire de la rencontre fortuite entre Roberto et un chinois du nom de Jun qui, perdu, marche dans la ville de Buenos Aires en quête de son oncle, son unique parent encore vivant. Roberto tombe sur Jun au moment où ce dernier est jeté d’un taxi dans la rue, après avoir été agressé par le chauffeur et ses sbires. Commence alors une cohabitation forcée et étrange entre eux deux car Roberto ne parle pas chinois et Jun pas un mot d’espagnol.
Les « + » du film : Cela peut surprendre, mais l’épisode de la “vache tombée du ciel” qui est à l’origine du film El Chino, s’inspire d’une histoire réelle. Les faits ont eu lieu au Japon où des vaches ont été volées sur un champ et mises à l’intérieur d’un petit avion russe. Mais quand une porte de l’avion s’est ouverte en plein vol, les vaches sont tombées et l’une d’entre elles s’est écrasée sur un bateau. L’expression un “cuento chino” en Argentine signifie “une histoire invraisemblable”.
Site officiel – Bande annonce : Un cuento Chino
El hombre de al lado
L’homme d’à côté – Drame – Argentine (2011) Durée 1h50
Réalisateur : Gaston Duprat, Mariano Cohn
Acteurs : Rafael, Spregelburd (Leonardo Kachanovsky), Daniel Araoz (Victor Chubelo).
Synopsis :Leonardo , designer en vogue, vit avec son épouse Ana et sa fille Lola dans la maison Curutchet, seule maison construite par Le Corbusier en Amérique Latine. Un matin, il est réveillé par un bruit obsédant : comme si on perçait un mur…s’en suit la confrontation perverse et drôle du « bobo » et du « beauf ».
Les « + » du film : El hombre de al lado -l’homme d’à côté- est sorti grand vainqueur de la cérémonie des Premios Sur, équivalent argentin des Césars. En lui décernant 6 récompenses, l’Académie de Cinéma Argentin a souhaité récompenser “un regard ironique sur les peurs, les misères humaines et les hypocrisies intellectuelles”.
Site officiel – Bande annonce : El hombre de al lado
Las acacias
Drame – Film argentin et espagnol (2010) – Durée 1h25 – Caméra d’Or au festival de Cannes
Réalisateur : Pablo Giorgelli
Acteurs : German De Silva, Hebe Duarte, Nayra Calle Mamani.
Synopsis :Sur l’autoroute qui relie Asunción à Buenos Aires…La quarantaine bien sonnée, grognon, un camionneur doit emmener avec lui une femme qu’il ne connaît pas et son bébé. Quelques échanges de regards, deux profonds désarrois, deux destins qui révèlent l’étendue des échecs passés et favorisent les fantasmes de bonheur. Ils ont devant eux 1500 kilomètres, et le début d’une belle histoire.
Les « + » du film : Ce premier long métrage est, à sa manière, un exercice de style (presque un huis clos) mais déborde de sensibilité, de tendresse et d’une délicieuse philosophie de vie. Le sens de la précision du réalisateur y transparaît à chaque plan. Un premier bout à bout du film remporte le Prix Primera Copia au Festival de La Havane en décembre 2010. C’est à Cannes que le film remporte une véritable consécration avec la Caméra d’Or.
Site officiel – Bande annonce : Las acacias
Medianeras
Comédie – Film argentin, espagnol et allemand (2011) – Durée 1h35
Réalisateur : Gustavo Taretto
Acteurs : Rafael Ferro (Rafa), Ines Efron (Ana), Pilar Lopez de Ayala (Mariana).
Synopsis :Martin est phobique mais se soigne. Petit à petit il parvient à sortir de son isolement, de son studio et de sa réalité virtuelle. Il est web-designer. Mariana sort d’une relation longue. Elle est perdue et confuse, à l’image du désordre qui règne dans son appartement. Martin et Mariana vivent dans la même rue, dans des immeubles l’un en face de l’autre mais ne se sont jamais rencontrés. Ils fréquentent les mêmes endroits mais ne se remarquent pas. Comment peuvent-ils se rencontrer dans une ville de trois millions d’habitants? Ce qui les sépare les rassemble…
Les « + » du film : C’est en observant la ville de Buenos Aires et sa population que Gustavo Taretto a eu l’idée de tourner Medianeras. Autre source d’inspiration, une citation de Luis Martin-Santos, écrivain et psychiatre espagnol de la première moitié du 20ème siècle: “Un homme est à l’image d’une ville et la ville à l’image de ses habitants.”
Le paradoxe de vivre dans un immeuble de 50 appartements est que l’on se sent aussi seul que si l’on est sur une île déserte, explique Gustavo Taretto. La même logique veut que l’on reste entièrement indifférents les uns vis-à-vis des autres dans les lieux publics .Être entouré provoque malaise et angoisse plus qu’autre chose. C’est ce que le cinéaste essaye de retranscrire au travers de Medianeras. En outre, il a voulu dénoncer la névrose collective et la paranoïa généralisée qui règnent dans les grandes villes. L’un des deux personnages principaux du film est hypocondriaque, l’autre est claustrophobe.
Site officiel – Bande annonce : Medianeras
Rompecabezas
Puzzle – Drame – Film argentin et français (2010) – Durée 1h28
Réalisateur : Natalia Smirnoff
Acteurs : Maria Onetto (Maria del Carmen), Arturo Goetz (Roberto), Gabriel Goity (Juan).
Synopsis :Maria del Carmen, femme au foyer, consacre sa vie à sa famille : son mari qu’elle aime toujours tendrement et ses enfants désormais adultes. Le jour de son anniversaire, elle reçoit un puzzle. Sa vie si bien organisée bascule lorsqu’elle se rend compte qu’elle a un don très spécial : elle peut assembler un puzzle à une vitesse incroyable… Lorsqu’elle retourne à la boutique pour en acheter un nouveau, une annonce l’intrigue : un homme cherche un partenaire pour participer à un tournoi de puzzle. Elle rencontre alors Roberto, riche et séduisant célibataire avec qui elle va passer ses après-midi à s’entraîner pour le championnat. Ces moments privilégiés qu’elle cache à ses proches lui procurent de nouvelles sensations. Enfin, elle prend le risque de vivre pour elle-même… et peut-être de s’émanciper
Les « + » du film : La réalisatrice évoque le rôle de Maria, cette femme forte et passionnée dont elle se sent proche: “Puzzle est un film sur une mère et sur toutes les mères en général, sur ce sentiment d’amour inconditionnel que porte une mère à ses enfants et à sa famille et, sur ce besoin qu’elle a de vouloir tout contrôler par amour. J’aime le fait qu’elle ne soit pas un héros évident ; dans un certain sens, elle n’est pas forte. J’aime sa façon de gagner. Sa volonté et sa détermination sont ses forces (…)
Bande annonce : Rompecabezas
Carancho
Drame – Film argentin, coréen et français (2010) – Durée 1h47
Réalisateur : Pablo Trapero
Acteurs : Ricardo Darin (Sosa), Martina Gusman (Lujan), Carlos Weber (El Perro).
Synopsis :Sosa est un “Carancho” (un oiseau à la fois rapace et charognard) : c’est e expression utilisée pour un avocat véreux spécialisé dans les accidents de la circulation à Buenos Aires. Grâce aux assurances et à la corruption, il profite sans scrupules des nombreuses victimes de la route qui enrichissent une poignée d’avocats et de policiers mafieux. Un soir, à la recherche de potentiels clients, il rencontre Luján, une jeune urgentiste qui cumule les heures de travail et se drogue régulièrement pour tenir. Leur histoire d’amour commence là, dans la rue, la nuit. Elle essaye de sauver la vie d’un homme, il essaye d’en faire son client.
Les « + » du film : En Argentine, chaque année on dénombre 8 000 morts par accidents de la route, une moyenne de 22 par jour et plus de 120 000 blessés. La dernière décennie a compté 100 000 morts. Les millions de pesos dont ont besoin les victimes et leurs familles pour assumer les frais médicaux et légaux ont créé un énorme « marché » sous tendu par les indemnisations des assurances et la fragilité de la loi. Derrière chaque drame surgit la possibilité d’une « affaire ».
Site officiel – Bande annonce : Carancho
Deux autres films récents ont participé au renouveau du cinéma argentin. L’un, Les Neuf Reines s’est convertit en un classique du genre et l’autre, El Secreto de sus Ojos a été nominé aux Oscar en 2010.
El Secreto de sus ojos
Dans ses yeux – 2009 – Drame – Argentine – 127 mn
Nomination Oscar 2010 : meilleur film étranger.
D’après le roman de Eduardo Sacheri
Réalisation et Scénario: Juan José Campanella
Synopsis : Benjamin Esposito a un rêve secret : écrire un roman. Il racontera une histoire dont il aura été témoin et protagoniste avec une femme qu’il a aimé dans la lointaine Argentine de 1974. Mais l’exercice de mémoire s’il ravive le passé met aussi en lumière les actions, les décisions et les erreurs irréparables d’Esposito…
Nueve Reinas
Les Neuf Reines – 2000 – Policier – Argentine – 114 mn
Réalisation et Scénario: Fabian Bielinsky
Synopsis : Une histoire d’arnaque particulièrement bien montée qui se termine par un ultime rebondissement, ce film se retrouve dans la lignée d’un Usual Suspects.
Juan et Marcos, deux petits arnaqueurs sympathiques mais sans envergure de Buenos Aires, se rencontrent au moment où ils s’apprêtent à commettre un même cambriolage. Durant vingt-quatre heures, ils s’associent pour voler une planche de neuf timbres rarissimes appelés “las Nueve Reinas”. Ils espèrent ainsi les revendre à un collectionneur vénézuélien. Pour mener à bien leur affaire, ils font appel à Valeria, la séduisante sœur de Marcos…
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