Martin Fierro, écrit entre mars et octobre 1872 par José Hernandez (1834-1886) est la narration sous forme de poèmes de la vie du Gaucho dans son entier; ses mythes, ses rêves et ses passions. Et par là-même il rappelle, dévoile et exalte les origines de l’argentinité. Il est une ode lyrique à un monde, une culture en train de disparaitre à cette époque. Comme les dernières tribus indiennes des pampas et de la Patagonie, le gaucho qui s’était forgé un passé, une histoire sur cette terre, est malmené par les grands bouleversements que connait son territoire à cette époque. A savoir, la conquête de ces immenses terres destinées au projet civilisateur de créer la république Argentine.
Dans son contexte historique et politique, il est un moyen pour l’écrivain de protester contre le président Domingo Faustino Sarmiento qui nourrissait le désir de reproduire pour l’Argentine le projet de Jefferson aux États-Unis. Européaniser et nier par là-même l’existence des populations indigène, détruire et effacer toute traces de l’héritage espagnol.
Martin Fierro est encore aujourd’hui un livre culte en Argentine. Il représente pour beaucoup l’essence même de l’Argentine traditionnelle. A la différence de Don Segundo Sombra de Ricardo Güiraldes qui est une histoire réelle, Martin Fierro appartient à la nouvelle romancée sous forme de poème.
Malgré sa centaine d’édition et sa traduction en 70 langues, il apparait intraduisible dans d’autres langues. Il est difficilement accessible au premier abord car le vocabulaire employé est issu des codes émanent de l’univers gaucho et indien. Il est écrit comme il se parlait à l’époque et certains mots sont plus proches de l’écriture phonétique que de l’Académie royale.
A sa lecture, on s’imagine le décor de la narration: autour d’un feu, le vieux gaucho Martin Fierro raconte sa vie avec le détachement et l’humilité du gaucho. Écrasé par les épisodes somme toute tristes de sa vie, il relate sa vie en 395 sizains (strophes de 6 vers) pour la première partie, 798 pour la deuxième, une composition en vers d’octosyllabes. Sans gloire ni fierté, sans repentit ni culpabilité, mais “comme l’oiseau solitaire, il dévoile ses peines et trouve le réconfort dans le chant”.
Martin Fierro compte 13 chapitres et sera suivi en 1879 par la vuelta de Martin Fierro (le retour), composé de 33 chapitres. L’action se situerait dans le sud de la Province de Buenos Aires, région de Mar del Plata, où l’auteur à passé une partie de son enfance. L’histoire commence par le recrutement militaire forcé alors qu’il vit avec femme et enfants une vie paisible rythmée par les labeurs du gaucho: dressage des chevaux, rassemblement du troupeau, marquage des bêtes, entre asado et mate. La gloire de vivre libre. Enrôlé et assigné à un fortin au milieu de désert, le long de la “frontière” entre “Civilisation et Barbarie” selon les termes employés par Sarmiento. Il abandonne sa maison, sa femme et ses enfants pour passer 3 ans dans un poste militaire. Il raconte les luttes contre les indiens venus faire des razzias. Puis il déserte et raconte sa vie errante, harcelé par la police jusqu’à ce qu’il trouve refuge au milieu des indiens en compagnie de son ami Cruz. Dans une deuxième partie, il raconte sa vie misérable dans les campements (tolderias) indiens et la mort de son ami. Finalement, il doit s’échapper après avoir tué un indien pour sauver une femme blanche captive. Il retrouve son fils et le fils de Cruz auquel il raconte ses mésaventures. La narration termine par les conseils de Martin Fierro à ses enfants.
La première partie exprime qu’il vaut mieux être gaucho chez les indiens plutôt que soumis à la “civilisation” qui se prépare. La deuxième partie conseille finalement qu’il vaut mieux s’y adapter dans le drame de la résignation.
- Leopoldo Lugones, dans son œuvre littéraire El payador qualifie Martin Fierro du “livre national des argentins”. Il reconnait dans le gaucho ses qualités de digne représentant de l’Argentine.
- Pour Ricardo Rojas, Martin Fierro est un classique du gaucho qui cesse d’être un hors-la-loi pour se convertir en héros national.
José Hernández était le fils de Rafael Hernández et Isabel Pueyrredón – nièce de Juan Martin
Lire Le Gaucho Martín Fierro de José Hernández en français, traduit et adapté de l’espagnol (Argentine) par Juan Carlos Rossi La vie d’un gaucho dans la deuxième moitié du XIX siècle. Le chef-d’œuvre de l’Argentine pour le public français et les francophiles. Juan Carlos Rossi : Originaire de Esquel, dans la Patagonie d’Argentine. Musicien, chant et guitare, auteur, compositeur, interprète. Il a fait des études de théâtre à Córdoba. Après un long périple en Amérique du Sud il arriva en Europe et décida de s’établir en France en 1980