Les origines du Gaucho remonte au XVIIème siècle quand les plaines bordant le Rio de la Plata grand comme deux fois la France (La Pampa, l’Uruguay et le Sud du Brésil d’aujourd’hui) se remplissaient de bovins et chevaux sauvages (il s’estimait au XVIIIème siècle une population d’environ 48 millions de têtes de bétail qui vivaient alors à l’état sauvage!). Les premiers exemplaires étaient arrivés avec Pedro de Mendoza, puis avec la création d’Asuncion et le développement des missions jésuites prendra la suite. Les animaux revenus ou naissant à l’état sauvage (vaches, taureaux, mules, chevaux…) paissaient librement sans limites d’espace et connaissaient une croissance exponentielle.
De là va naître une nouvelle race, maraudeur des Pampas, qui va créer le Gaucho, homme simple et rude, farouche et brave, honnête et brutal. Ce mot dont l’origine du mot est incertaine est apparut pour la première dans des lettres de correspondance en 1771 et jusqu’au XIXe siècle il gardera une connotation négative. Le gaucho ne travaille pas, il est un nomade à cheval, solitaire ou en petit groupe, mais toujours accompagné de ses boleadoras*, son facón (couteau flamenco) et son lazo et parfois d’une femme la china. Pour se nourrir, il n’a qu’à courir après l’un de ces nombreux bovins sauvages, son agilité à cheval et sa dextérité lui permettant de se nourrir à sa guise. Il sera tout à tour contrebandier pratiquant le commerce illégal du cuir, il deviendra gênant et pourchassé lorsque ce commerce sera finalement autorisé en 1776. Il sera forcé à se sédentariser mais surtout il sera à la source de la création des premières estancias dont les propriétaires formeront les futurs caudillos. Certaines de ces estancias comptaient jusqu’à 300 000 têtes de bétails!
Le gaucho naît de la rencontre entre l’européen et l’autochtone, il est souvent métis (espagnol, indien, portugais), déserteur, marin échappé; rebelle et rejeté par la société d’alors, ni indien ni européen…un individu à part socialement, qui a ses propres codes, règles et lois d’usage. Une loi de 1815 déclarait que ceux qui ne disposaient pas d’un titre de propriété devenaient automatiquement servants et au service d’un patron. Celui qui ne portait pas sur lui la “lettre du patron” était déclaré vago, littéralement fainéant, plus explicitement vagabond. Il n’a alors de choix que de fuir et de retrouver les tribus indiennes ou rejoindre les rangs des caudillos**…
C’est alors que le gaucho entre dans l’histoire et acquiert ses lettres de noblesse, durant les guerres d’indépendance pour se libérer de la tutelle de la couronne espagnole (comme les “gauchos de Güemes” dans le Nord Ouest Argentin) puis contre l’anglais et durant les guerres civiles aux côtés des caudillos dont le Brigadier Général Don Juan Manuel de Rosas (qui réussit à unir ces hommes par essence individualistes et solitaires). A cette époque apparaît et prend tout son sens le mot Gaucho, le campesino (campagnard) à cheval qui défend et lutte pour son sol. L’arrivée des colons grands propriétaires terriens, des européens qui se sont convertis au travail campagnard mais plus encore lors du développement des salines et de l’invention du bateau frigorifique pour conserver et exporter la viande, puis le fil de fer et de la clôture va achever le “vrai” gaucho au début du XXème siècle. Dans tous les cas sa connotation évolue. Ceux qui subsistent, même si ils sont plus ou moins sédentarisés, restent indomptables et changent souvent d’estancia***. Il offre sa force de travail ne pouvant se fixer très longtemps au même endroit.
Aujourd’hui subsiste le mythe et la figure romantique du Gaucho, homme indépendant et rude, loyal et sage…notamment au travers des poèmes de José Hernandez dans Martin Fierro et de l’écrivain Ricardo Güiraldes avec Don Segundo Sombra. Avec le temps il s’est transformé en l’archétype du défenseur des “valeurs essentielles de l’être argentin”.
*Boleadoras ou bolas: d’origine indienne ce sont 3 pierres rondes unies par des fils de cuir tressés qui lancées dans les pattes d’un animal sont une arme redoutable; le facón ou cuchillo: le couteau à longue lame qui sert à se défendre, à dépecer et à couper la viande; le lazo: un lasso fait en cuir tressé beaucoup plus résistant que la corde de chanvre.
**Caudillo : dans le contexte de l´indépendance des pays d´Amérique latine, ce sont des chefs militaires et/ou idéologiques et/ou politiques qui s’affirment comme leader en représentant les valeurs, l´identité et les intérêts de la région qu’il gouverne et bénéficie de l’appui de la population locale.
***Estancia : en Argentine ce sont les grandes propriétés d´élevage qui se caractérisent généralement par une surface importante (certaines comptent plus de 50000 hectares) et permettent l’élevage extensif. Le centre de vie de l’estancia s’appelle le casco et regroupe les maisons d’habitations, le galpón (hangar)…comparable au rancho mexicain ou encore au ranch nord-américain.
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